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« Je me suis installé en 1990 en GAEC avec mes parents dans les Ardennes après avoir fait un brevet d’études professionnelles agricoles (BEPA). J’ai repris 80 ha, qui, additionnés des 170 ha de la ferme familiale et des 67 ha de mon frère qui s’est installé après moi, font 317 ha au total. Nous cultivons des céréales et élevons des vaches laitières avec 2 robots de traite et des bovins allaitants de race charolaise.
À cette époque, nous étions sur du labour presque systématique. Nous avons des terres lourdes avec de grosses argiles (>40% d’argiles), donc nous passions beaucoup de temps dans le tracteur et dépensions beaucoup d’argent en fioul. La terre se collait sur les versoirs et pas moyen de la faire partir. Le déclic est venu suite à une démonstration d’un Actisol sur une parcelle particulièrement difficile. Sur le coup, j’ai pensé que c’était du mauvais travail. Les lignes faites par l’outil restaient ouvertes et se gorgeaient d’eau. Derrière un maïs ensilage, j’ai semé le blé comme j’ai pu. Au bout du compte, cette parcelle a fait le meilleur rendement de la ferme au vu des conditions de cette année-là. La campagne suivante, j’ai voulu y implanter un escourgeon et j’ai vu à quel point la terre était résiliente. Du coup, on a rappelé l’Actisol sur la ferme. C’était le début du travail simplifié.
L’arrêt du labour a suivi tranquillement, jusqu’à en venir au semis direct. Le but principal était de gagner du temps, d’autant plus que nous faisons de l’ETA à côté de la ferme. Avec une surface additionnelle à gérer, plus les animaux, le système labour + 2 passages de rotative ne cadrait pas avec notre temps de travail. L’autre élément qui m’a fait arrêter la charrue, c’est le ravinement dans les terres en pente. Il y a 12 ans, nous avons eu une parcelle où toute la bonne terre est partie à profondeur du labour. Aujourd’hui, cela fait 9 ans que nous n’avons pas ressorti la charrue, 4 ans qu’elle est vendue et nous attaquons cette année notre 3ème campagne en semis direct intégral.
Je faisais déjà une partie du maïs en SD dans des couverts. J’avais un semoir John Deer qui permettait de faire du SD. J’ai fait mon premier essai de semis direct de céréale d’hiver en 2016. J’ai semé un blé sur blé dans un couvert végétal grâce au semoir SD d’un voisin. Cette année-là, les rendements étaient mauvais partout, sur cette parcelle autant que les autres mais avec moins de charges. À partir de là, j’ai recherché un semoir SD. Je savais ce que je voulais, un Kuhn SD 3000, que j’ai finalement trouvé en Suisse après 1 an de recherche.
Au niveau des couverts, on en fait depuis la réglementation sur les CIPAN. Au démarrage, on mettait des couverts réglementaires de moutarde. On a ensuite approfondi la réflexion. Désormais, mes couverts sont composés de pois, féverole, avoine ou seigle. Depuis 3 ans, je travaille également avec des couverts semi-permanents de lotier et luzerne implantés avec les colzas. Mais je dois avouer que je ne suis pas entièrement satisfait du lotier. Cette année, le lotier n’a pas poussé comme je l’aurais souhaité après la moisson. Les pieds sont présents mais ont relativement peu de biomasse. Je suis en revanche très satisfait de la luzerne. Florent Franzetti (l’agronome de mon secteur) l’a bien confirmé lorsqu’il est venu me rendre visite sur la ferme.
Nous avons rencontré quelques échecs durant la transition du TCS vers le SD. Je pense qu’elle a été peut être un peu rapide dans les maïs. Dans les céréales, il y a eu des semis loupés. Avec le recul, ce que je recommande à ceux qui souhaitent se lancer, c’est tout mettre en œuvre pour avoir des couverts végétaux performants, un maximum de couverts. Typiquement, un semis d’automne derrière maïs ensilage dans des limons sans couvert, ce n’est pas le top. Ceci étant dit, il n’est pas toujours facile de semer les couverts de bonne heure avec les activités liées à l’élevage, on l’a vu cette année par exemple.
Au niveau des résultats, nous avons radicalement diminué la consommation de fioul : de 70 L/ha à 15 L/ha. Au niveau désherbage, nous avons noté une baisse de la problématique vulpin. Nous avons également réduit l’utilisation des fongicides. Depuis que nous sommes en semis direct, nous n’avons pas constaté de baisse de rendement. Quand j’ai démarré la transition, j’ai été pris pour un fou. Déjà rien que d’arrêter la charrue… Mais j’étais convaincu que j’allais dans la bonne voie donc je suis allé jusqu’au bout de la démarche. Je pense que c’est important d’être convaincu avant de se lancer. Pour cela, l’effet de groupe est précieux ! »
Jannick, membre AgroLeague dans les Ardennes (08).
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