Les analyses de sève : un outil d’aide à la décision performant - avec Anthony Frison et Lennart Claassen

Analyses de sève - La semaine dernière, on a parlé des analyses de sol. Cette semaine, on aborde les analyses de sève, deuxième outil de pilotage agronomique que l’on utilise dans le suivi technique et agronomique mis en place chez les membres de la League. Elles permettent d'effectuer un suivi de la nutrition de la plante durant son cycle de culture. Utilisées en parallèle des analyses de sol, elles constituent un outil d’aide à la décision et de performance agronomique et économique. Anthony Frison, agronome senior AgroLeague et agriculteur dans le Loiret, et Lennart Claassen, agronome en charge de la R&D chez AgroLeague, nous donnent leur point de vue d’utilisateur et d’expert.

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La semaine dernière, on a parlé des analyses de sol. Cette semaine, on aborde les analyses de sève, deuxième outil de pilotage agronomique que l’on utilise dans le suivi technique et agronomique mis en place chez les membres de la League. Elles permettent d'effectuer un suivi de la nutrition de la plante durant son cycle de culture. Utilisées en parallèle des analyses de sol, elles constituent un outil d’aide à la décision et de performance agronomique et économique. 

Anthony Frison, agronome senior AgroLeague et agriculteur dans le Loiret, et Lennart Claassen, agronome en charge de la R&D chez AgroLeague, nous donnent leur point de vue d’utilisateur et d’expert. 

Anthony, pourquoi utiliser des analyses de sève par rapport à d’autres analyses ? 

J’ai commencé à les utiliser en 2017 sur mes cultures. Avant, j’employais des analyses de tissus.

Nous avons fait le choix d’accompagner le suivi de parcelle AgroLeague avec ces analyses de sève tout d’abord pour la rapidité de retour des résultats. Les analyses de tissus mettent en moyenne 3 à 4 semaines entre le prélèvement et la recommandation. Durant cette période, la plante a eu le temps d’évoluer donc on ne peut pas répondre au bon moment aux besoins nutritifs de la plante. Avec les analyses de sève que nous utilisons, il se passe environ une semaine entre l’envoi et l’interprétation. C’est donc 3 fois plus rapide que l’analyse de tissu. Cela permet l’anticipation de futurs blocages qui pourraient avoir lieu au cours du cycle végétatif de la plante puis du remplissage du grain. On peut ainsi anticiper les carences 3 semaines avant leurs effets potentiellement visibles.

La photosynthèse est le processus de production de biomasse. L’idée est de chercher à la maximiser. Les analyses de sève vont permettre de réguler les déficits et/ou les excès, surtout concernant les éléments nutritifs essentiels (N, P, Mg, Fe, Mn, S, etc.).

Une nutrition adaptée a un impact positif sur la résistance aux maladies. Un profil nutritif équilibré stimulera les défenses actives et passives de la plante, ce qui la rendra moins sensible aux ravageurs. Ça joue également sur le remplissage du grain : qualité, calibrage, etc. 

Concrètement, comment ça fonctionne ? 

On envoie des kits tout prêts. Les membres de la League reçoivent un colis avec des sachets étiquetés (nom, parcelle, culture - préalablement discuté avec leur agronome référent) et un protocole de prélèvement. 

Le prélèvement des feuilles s’effectue le matin. Il faut les mettre dans le sachet et envoyer le tout par la poste. L’idée est de suivre la culture à 3 stades dans la saison. Par exemple sur blé : tallage, épi 1 cm et fin de montaison.

Lennart, quel est le contenu des analyses de sève ? 

Il est important de comprendre que l’on ne cherche pas à proprement parler à augmenter le rendement de la plante, mais à éviter d’en perdre. Chaque plante a un potentiel génétique qu’elle va exprimer dans les conditions qui lui sont données. Ça commence dès que la graine est semée dans le sol : structure du sol, vie microbienne, eau, nutrition, etc. Avec les analyses de sève, on peut jouer sur les stress nutritionnels qui impactent le rendement. 

Quand on reçoit un kit d’analyses, il y a souvent 2 sachets (sauf pour le blé début tallage par exemple) : un sachet pour les jeunes feuilles et un autre pour les vieilles feuilles. C’est la comparaison des deux qui va permettre la compréhension. 

Il faut savoir que certains éléments sont mobiles dans le phloème - tissu conducteur de la sève - (N, P, K, Mg) et d’autres éléments ne le sont pas (Ca, B, Mn). L’azote, le phosphore, le potassium et le magnésium se déplacent rapidement dans le phloème. La plante peut les rediriger des vieilles feuilles vers les jeunes feuilles. Par exemple, si le potassium est en excès, on observe une valeur dans les jeunes feuilles inférieure à celle des vieilles feuilles. Cela signifie que la feuille n’a pas besoin de ce K donc elle le stocke dans les vieilles feuilles. Au contraire, si on observe plus de K dans les jeunes feuilles, c’est qu’il y a un manque : la plante commence à déstocker le K et à le rediriger vers les jeunes feuilles.

Pour donner un exemple plus concret d’analyses de sève effectuées chez un membre AgroLeague. Lors de la première analyse, les valeurs d’azote étaient excessives à la fois dans les jeunes et les vieilles feuilles mais la valeur des vieilles feuilles était inférieure à celle des jeunes feuilles (déstockage de l’azote contenu dans les vieilles feuilles). Trois semaines plus tard, lors d’une visite terrain chez ce membre, nous avons pu observer qu’une faim d’azote se dessinait sur cette culture. Nous avons refait une analyse de sève et avons vu que la teneur en azote avait diminué nettement. De cet exemple, on peut conclure que les analyses de sève servent à anticiper de potentielles carences et qu’il est important  d’effectuer des prélèvements de qualité (ne pas mélanger les jeunes et les vieilles feuilles dans les sachets). 

Les analyses montrent les carences et les excès. C’est très important car on se rend compte souvent que les excès peuvent créer des manques. Ça peut être dû à un déséquilibre déjà présent dans le sol ou bien à une application qui a bloqué un autre élément et créé un stress nutritif derrière. Il est important de prendre en compte les interactions entre les éléments, qu’elles soient synergiques comme le K et le Mn, ou antagonistes comme le K et le Ca. Par exemple, si l’on est dans un cas d’excès en potassium qui bloque le magnésium ou le calcium, on peut appliquer du manganèse qui va réguler l’absorption de potasse dans la plante.

On ne veut pas jouer à l’aveugle. Avec les analyses de sol AgroLeague, nous connaissons les éléments minéraux disponibles dans le sol. Ceux-ci peuvent fluctuer dans la saison. Avec les analyses de sève, nous procédons à un rééquilibrage pour conserver des points de potentiel de rendement. 

Le laboratoire avec lequel on travaille possède une base de données importante et est capable de nous fournir des valeurs seuils sur lesquelles. On peut se baser sur ces valeurs pour la plupart des cultures (céréales et oléoprotéagineux).

Quels sont les leviers actionnables ?

Les recommandations suite aux résultats des analyses de sève portent généralement sur des applications d’oligo éléments par voie foliaire. À l’exception de certains éléments comme le calcium qui est difficilement absorbé par la feuille et où la correction se fait plus par le sol, presque tous les autres éléments peuvent être appliqués en foliaire, toujours à petites doses. 

La composition peut changer selon l’état de la plante. On essaye d’être à 7-15€/ha maximum, toujours en mélange avec un chélatant et un réducteur pour en améliorer l’absorption, notamment pour le fer et le manganèse. C’est essentiel qu’ils soient absorbés sous forme réduite. On peut le réduire avec de l’acide citrique et le chélater avec de l’acide humique/fulvique. On peut également rajouter des acides aminés pour complexifier la bouillie.

Conclusion

L’analyse de sève est comme une « prise de sang » : elle représente l’état de la plante à un temps T, comme une photo instantanée. Avec les analyses de sève AgroLeague, nous ne cherchons pas à augmenter le rendement mais à atténuer les stress nutritionnels qui affectent la plante dans son développement et sa croissance. Elles permettent de répondre au plus vite aux besoins de la culture par leur rapidité d’exécution et d’interprétation. 

Elles constituent un vrai levier actionnable : ce sur quoi on a la main en tant qu’agriculteur. On ne peut pas changer la météo, le marché, la réglementation. Mais on peut jouer sur la nutrition de la plante. C’est ça que l’on veut mettre en avant.

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