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"J’ai perdu mon père très jeune, à l’âge de 13 ans. Il était salarié agricole et avait acheté quelques hectares qu'il faisait le dimanche avec le matériel de la ferme pour laquelle il travaillait. J’ai très vite baigné dans le travail. Ma mère a repris la gestion de la ferme jusqu’à ce que je sois apte. Elle n’a pas cherché à m’influencer, mais au fond de moi la vocation été née.
Semis direct, vie du sol, agriculture de conservation… Ça m’a toujours intéressé. Dans la région, on fait principalement du colza, blé, orge avec des terres à très faible potentiel. Je me suis dit que j’allais vite m’embêter. Le challenge du semis direct à l’époque m’a motivé. J’étais déjà en TCS quand je me suis lancé en 2004. Certains champs n’ont jamais été labourés sur la ferme. À ce moment là, je me suis dit que les derniers quintaux qu’ont allait chercher nous coutaient cher; qu’on était très mal les mauvaises années. Donc il nous fallait bonifier les mauvaises années plutôt que d’essayer d’améliorer les bonnes. Tout le monde me disait que je me privais de certains quintaux. Mais je suis allé vers une simplification du système et je n’ai jamais regretté mon choix.
Je suis aussi passé en bas volume cette même année. La technique bas volume m'a sensibilisé bien sûr aux conditions d’applications mais aussi à la qualité de l’eau. C’est important de corriger la dureté et de bien le faire. Avec le bas volume, on a aussi compris l’intérêt de faire des essais avec nos exploitations. Faire ses propres expériences nous permet d’apprendre plus vite.
Puis, en 2011, on a découvert comment fonctionnaient les macérations, et le vivant surtout. On s’est aperçu d’aberrations dans le système. Le sol, soit on le détruit, soit on l’enrichit par nos pratiques. Les macérations nous ont aidé et ont apporté à nos cultures, surtout dans les périodes de transition entre un sol mort et un sol vivant. Cette période est maintenant réduite à une peau de chagrin : avec les macérations, en 3 ans, les sols sont quasi aussi bien qu’après 10 ans de semis direct.
Je suis passé en bio en 2018. En bio, il vaut mieux mettre les orties dans le pulvé que le pulvé dans les orties. On a commencé à le regarder différemment avec les macérations. On ne voit pas l’outil du même oeil. Ça permet aussi de changer l’opinion et d’informer le grand public.
Aujourd’hui, je ne suis plus en semis direct pur et dur mais je m’intéresse à la vie du sol. La vie biologique du sol est mon axe de décision; le fil rouge de la conduite de mon exploitation. Mon plaisir et ma motivation, c’est de redonner vie à mes sols. Ce qui me plait, c’est de retaper les sols et de recréer une fertilité naturelle. Je n’ai pas une vision dogmatique de l’agriculture. L’agriculture est une gestion d’équilibres. Quand on a un milieu très riche en MO, on peut se permettre des choses qu’on n’envisagerait pas autrement. Un sol qui évolue, et ce sont des équilibres qui changent. La nature nous indique très bien les équilibres, à travers les carences, l’enherbement, la structure du sol. Je la regarde avec un oeil différent; je l’observe.
Pour les prochaines étapes, je crois beaucoup aussi au semis ultra-précoce, surtout en bio. Avec les étés secs, c’est compliqué aussi de faire des couverts, alors je fais beaucoup de couverts permanents; les 3/4 de la ferme. L’an dernier, j’avais toutes les cultures associées avec de la fèverole. Je regarde aussi la rémunération carbone; sur la ferme, on déplafonne carrément le captage du carbone dans les sols tout en ne s’interdisant pas le travail du sol.
Il ne faut jamais s’arrêter d’essayer de comprendre les choses. Quand on est sur sa ferme, beaucoup de choses deviennent la norme. On se coupe un peu et ce n’est pas toujours facile de reprendre du recul sur son exploitation. Il n’y a pas de recettes mais juste une capacité à s’adapter au milieu et au contexte. Si on veut se lancer tout seul, il faut s’armer de convictions très fortes et on peut se mettre des oeillères, on peut s’enfermer dans un dogme. Ce n’est pas aussi simple que ça l’agriculture. Quand on part en groupe, on avance plus loin."
Stéphane, membre AgroLeague installé en Côte-d'Or
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