Une stratégie rotation et couvert en climat sec - l’expérience de David Vincent

Loan Wacker
Responsable du contenu agronomique
ACS
9/5/2022
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Une stratégie rotation et couvert en climat sec - l’expérience de David VincentUne stratégie rotation et couvert en climat sec - l’expérience de David Vincent

David Vincent est agriculteur aux portes de Carcassonne, à la limite entre la zone céréalière et la zone viticole. Il gère une ferme de 190 ha de grandes cultures en plaine, au pied de la Malepère. Il est en semis direct sous couvert végétal depuis 2012. 


La particularité du climat méditerranéen est l’inégale répartition des précipitations sur l’année. Les pluies hivernales sont parfois suivies par de longues périodes de sécheresse qui peuvent durer plusieurs mois. Ce phénomène a touché une grande partie du territoire français cette année et a entraîné de nombreuses problématiques, parmi lesquelles, la levée des couverts estivaux. 


David vient nous partager son expérience sur l’adaptation de sa stratégie rotation et couverts au climat méditerranéen et sa gestion de la problématique graminées. 


Quelles raisons l’ont poussé à choisir le schéma semis direct sous couverts végétaux permanents ?


« En climat méditerranéen, les précipitations sont mal réparties. Des fois on a beaucoup d’eau d’un coup, puis pas une goutte pendant 2 mois. Avec une couverture permanente des sols, le système s’améliore tout seul. C’est là qu’on arrive  à créer les avantages décrits par la littérature sur l’agriculture de conservation des sols.

Plutôt que de faire des réserves sous forme de lacs collinaires, la stratégie consiste à la stocker dans le sol en améliorant la rétention de l’eau. C’est pour cette raison que je me suis dirigé vers ce système. »


Comment cela s’est concrétisé sur son système ? 


À la base, sa stratégie était de bâtir une rotation 2-2 : tête de rotation sorgho (plante qui résiste globalement bien à la sécheresse) précédé d’un couvert en base féverole - phacélie. Les couverts étaient semés en septembre-octobre en fonction des pluies (stratégie opportuniste) et gardés vivants jusqu’au semis du sorgho. Le sorgho était conduit de manière classique et récolté en octobre - novembre. Dans la foulée, un pois protéagineux d’hiver était semé en direct avec une application systématique de Kerb de manière à avoir au moins une application d’un anti graminées.


Après le pois d’hiver, mise en place de deux céréales d’affilée : blé dur - blé tendre ou blé tendre - orge en fonction du parcellaire (blé dur implanté sur parcelles à haut potentiel). Cette rotation laissait une interculture relativement longue entre la récolte du pois en juin et le semis du blé fin octobre - début novembre. L’idée était de semer des couverts opportunistes en fonction de la pluviométrie à base de sarrasin. Entre les deux céréales, un couvert estival opportuniste était implanté avec les espèces suivantes : moutarde, tournesol, trèfle d’Alexandrie, maïs, phacélie (graines à disposition).

Rotation 2-2


Les principaux enjeux étaient les problèmes de désherbage et de couverture du sol. L’absence de pluie estivale provoque des difficultés de mise en place des couverts d’été. C’est ce qui l’a amené à se pencher sur la nécessité de faire évoluer son système vers un système 3 - 3 : alternance de 3 cultures de printemps suivies de 3 céréales conduites sous un couvert permanent de luzerne, lotier ou sainfoin ou (pas en mélange, alternativement 1 des 3 légumineuses). 


Comment s’est faite l’adaptation du système 2-2 au système rotation 3 - 3 ?


Tête de rotation sorgho précédée d’un couvert féverole - phacélie - lin - millet. « Le choix du millet a été d’apporter une graminée gélive dans le couvert afin d’occuper la même niche écologique que le ray grass et ainsi inhiber sa germination. »


Derrière le sorgho, implantation d’un oléagineux (lin ou tournesol). « Le choix est fait en fonction du potentiel agronomique des parcelles. Les parcelles à faible potentiel ne supportent pas le tournesol en culture d’été. Quant au lin, il est semé au cul de la moissonneuse batteuse, les fenêtres de semis de lin correspondant à la période de récolte de sorgho ».


Si le choix s’oriente vers le tournesol, un couvert d’avoine de printemps est implanté derrière  le sorgho afin d’utiliser les effets de couverture et allélopathiques de l’avoine pour inhiber les levées de ray grass entre le sorgho et le tournesol. Après la récolte du tournesol, un pois protéagineux est semé suivi d’un couvert sarrasin luzerne ou luzerne pure selon les conditions climatiques. 

Rotation 3-3


Pour les cultures de printemps, David s’autorise un léger travail du sol sur la ligne de semis. Cette stratégie d’esquive de la sécheresse consiste à semer le plus tôt possible pour que les cultures soient suffisamment avancées quand arrive le stress hydrique. « C’est un bon moyen de réussir des implantations précoces de sorgho ou de tournesol par pré traçage : travailler sur 3 ou 4 cm dans le couvert vivant pour tracer la future ligne de semis pour réchauffer le sol d’un à deux degrés. Cela permet d’avancer les semis de 5 à 6 jours au printemps. Le pré traçage peut se faire dès que les conditions de sol le permettent, une dizaine de jours avant le semis. Ensuite, je roule mon couvert pour en détruire 90%. »


Le couvert permanent est implanté entre la moisson des pois et le semis du blé de façon opportuniste, dès qu’il y a plus de 30 mm d’eau. 


Derrière, enchaînement de 3 années de céréales avec couverts pérennes : 

  • Terres à fort potentiel : blé dur - blé tendre - orge
  • Terres à faible potentiel : blé tendre - orge - avoine 

Au bout de la 3ème année, le couvert permanent est détruit, puis semis du couvert féverole - phacélie pour préparer l’implantation du sorgho l’année suivante. 


Comment se passe la gestion du couvert permanent dans la culture ?


L’idée est d’avoir un couvert implanté qui prenne le pas de suite après la moisson.


La luzerne pousse bien sur les sols calcaires à pH basiques. Sur ses parcelles avec des sols limono-argileux pH 7,5 la luzerne s’implante facilement. Sur les parcelles un peu plus sableuses à pH 6,5 où la luzerne s’implante difficilement, il préférera le sainfoin.  


« Si on garde de la luzerne trop longtemps sur une parcelle, on augmente le risque de voir le développement de la cuscute, un parasite qui interdit la culture de la luzerne pendant une dizaine d’années. La luzerne vivante est laissée trois ans dans les céréales. À la rotation suivante, je sème du sainfoin comme couvert permanent. »


Points de vigilance :

  • Choix des variétés : les semences sélectionnées pour faire du fourrage ne sont pas adaptées à la mise en place de couverts car elles produisent trop de biomasse. Cela est difficile à maîtriser dans la culture de céréales. « Après avoir testé les luzernes flamandes et méditerranéennes, dernièrement j’ai implanté des luzernes africaines qui possèdent un temps de dormance très faible, plus adaptées à mon contexte. »
  • La première année, la luzerne n’a pas un pouvoir couvrant très important. Envisager un passage de glyphosate à petite dose pour limiter la pression adventices.
  • La régulation de la luzerne est primordiale, ça passe par une application systématique de Fluroxypyr en sortir d’hiver + 5 à 8g d’Allié si nécessaire pour nanifier la luzerne plus tard dans le cycle.
  • Faire attention à la densité de semis. Les luzernes fourragères sont en général semées aux alentour de 20 kg/ha, dans ce cas pour faire un couvert on va plutôt être autour de 5 kg/ha. 


Le couvert sainfoin suit le même schéma que la luzerne.


Conclusion 

Les épisodes climatiques extrêmes, excès d’eau ponctuels et/ou longues périodes de sécheresse, ont touché une grande partie du territoire français en 2020 et ont causé des problématiques chez un grand nombre d’agriculteurs au niveau des rendements des cultures et de la levée des couverts. Chez AgroLeague, nous partons du principe que ces phénomènes ne vont pas s’améliorer dans l’avenir et qu’il faut donc trouver des stratégies d’adaptation dès maintenant. En s’intéressant aux conditions pédo-climatiques et en analysant les ressources disponibles au niveau local, nous construisons des modèles qui vont permettre de gagner en résilience sur les systèmes agricoles. Et vous, quelles sont vos stratégies d’adaptation ? 


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