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Les principes de la rotation des cultures
La rotation de culture d’une parcelle doit être réfléchie et contrôlée. L’allonger constitue un des trois piliers de l’Agriculture de Conservation des Sols.
Parmi les principes de construction d’une rotation, on retrouve :
- la diversification des familles de cultures
- le choix d’une durée de cycle de rotation
- l’alternance de cultures d’hiver et de printemps.
Alterner des cultures de familles végétales diversifiées
Alterner les cultures d’une parcelle selon l’année est une technique millénaire. En revanche, après la seconde guerre mondiale, les besoins de nourrir les populations ont poussé l’agriculture vers la monoculture. Ce terme désigne la culture d'un unique type de plante sur une même parcelle tous les ans.
Cependant, la conduite d’une exploitation en monoculture entraîne de nombreux problèmes :
- elle appauvrit les sols en épuisant les nutriments qu’ils contiennent : la culture unique pompe toujours les mêmes éléments qui ne peuvent pas se renouveler ;
- elle facilite la propagation des maladies et adventices : les bioagresseurs spécifiques à la culture unique, c’est-à-dire qui ne s’attaquent qu’à elle, se multiplient rapidement et s’habitue aux traitements ;
- elle contribue à l’érosion des sols : la terre est plus friable, moins structurée à cause d’un labour répété, et ne draine plus l’eau. Cela provoque la formation de croûte de battance.
- elle diminue la biodiversité et provoque le déséquilibre du milieu en épuisant les intéractions entre espèces : l’agrosystème n’est plus résilient.
Pour éviter ces impacts négatifs, on conseille de diversifier ses cultures. Cela peut passer par de la polyculture, des cultures associées au sein d’une même parcelle, mais aussi par l’élaboration d’une rotation des cultures sur plusieurs années.
La rotation des cultures se construit en alternant la culture de familles végétales diversifiées sur une même parcelle, dans un cycle de saisons de culture qui se répète. Ce cycle se répète dans le temps et diffère selon les parcelles de l’exploitation. L’ensemble de ces cycles sur la totalité de l’exploitation ou du territoire s’appelle l’assolement.
Par exemple, une culture de blé ou une culture de maïs, qui sont des cultures exigeantes en azote, peut être alternée avec une culture d’engrais vert comme une légumineuse (féverole, luzerne) qui enrichissent le sol. Entre ces cultures riches, il est judicieux d’insérer une plantation qui nécessite moins d’échanges avec le sol, comme un seigle ou un mélange de céréales. De même, pour améliorer la structure du sol, on peut choisir des cultures successives à enracinements différents : les racines pivotantes d’une culture de colza ou d’une légumineuses aèrent le sol en profondeur tandis que les racines fasciculées des céréales structurent l’horizon superficiel du sol.
Choisir sa durée de rotation selon ses objectifs
La durée du cycle de rotation dépend des besoins de l’agriculteur. Historiquement, l’alternance de 2 ou 3 cultures se pratiquait beaucoup. Par exemple :
- une culture de printemps suivie d’une jachère,
- une culture d’hiver, une de printemps puis une année de jachère.
On parle de rotation biennale ou triennale.
Cependant, on conseille aujourd’hui une rotation plus longue. Pouvant aller jusqu’à 10 ans, les rotations préconisées par les principes de l’agriculture de conservation se base sur des délais de retour de culture conseillés. Elles peuvent inclure de longues périodes de prairies temporaires ou de couverts végétaux (par exemple jachère mellifère).
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Alterner des cultures d’hiver et de printemps
Selon sa date de semis et son cycle de développement, une culture est qualifiée d’hiver (semis de septembre à novembre) ou de printemps (semis de février à mai).
Une même espèce peut être l’un ou l’autre selon ses différentes variétés. Enchaîner des cultures de même cycle de développement, c’est risquer de faciliter les épidémies de ravageurs dont le cycle coïncide avec celui de la culture.
Il est alors conseillé d’alterner les cultures d’hiver et de printemps pour une bonne rotation. On évite ainsi par ailleurs l’installation d’un seul type d’adventices persistantes, qui pourraient ensuite devenir résistantes aux herbicides.
Voici un exemple concret. Enchaîner des cultures d’hiver en Techniques Culturales Simplifiées et/ou en non labour entraîne souvent une infestation de vulpin, gaillets ou véroniques, car les résidus d'adventices ne sont pas enfouis par un travail profond du sol.
De même, pour les cultures de printemps on risque une installation de chénopode et amarante. Il est alors recommandé de prévoir une période de rupture entre deux cultures de même cycle au moins deux fois plus longue que la période de culture elle-même.
Les avantages de la rotation des cultures
La rotation des cultures consiste donc à alterner des cultures diverses, d’hiver et de printemps, sur un cycle assez long si possible. En effet, une bonne rotation offre de nombreux avantages :
- elle favorise la résistance aux bioagresseurs,
- elle augmente la fertilité du sol,
- elle améliore la structure du sol,
- elle aide à réduire l’utilisation des intrants.
Favoriser la résistances aux bioagresseurs
La monoculture favorise la persistance des bioagresseurs en facilitant leur développement. Si la source de nourriture est constante et toujours la même au même moment de l’année, les parasites n’ont aucune raison de partir !
Il faut donc les combattre, et le moyen traditionnel est la pulvérisation de produits, de synthèse ou d’origine naturelle. Il s ‘agit de trouver une technique pour lutter naturellement contre les bioagresseurs en diminuant l’utilisation de produits phytosanitaires (insecticides, fongicides et herbicides).
La rotation de cultures avec des cycles de développement différents permet de perturber le cycle de vie des ravageurs et de changer leur habitat. Cela les empêche de trop proliférer et les maintient en dessous d’un seuil de tolérance. Cette technique fonctionne aussi avec les adventices car les cultures peuvent être choisies pour entrer en compétition avec les mauvaises herbes et diminuer fortement leur pression.
De plus, certaines cultures sont dites allélopathiques. L’effet allélopathique en agriculture est un phénomène biologique par lequel une plante produit une ou plusieurs substances chimiques qui ont une action sur le cycle de vie d’un autre organisme (adventice, ravageur, autre culture…). Ce phénomène est envisagé comme herbicide naturel. Par exemple :
- La moutarde a un effet de biofumigation, c’est à dire que lorsqu’elle se décompose elle libère une molécule, le glucosinolate, qui a un effet direct sur un type d’adventice : le piétin échaudage. Attention, pour bénéficier de cet effet, il faut enfouir la moutarde rapidement car ces molécules sont très volatiles.
- Le sarrasin est connu pour être une culture nettoyante ayant un effet allélopathique sur de nombreuses adventices.
Augmenter la fertilité du sol
En monoculture, les sols perdent en fertilité. En effet, les plantes absorbent toujours les mêmes nutriments du sol sans restituer. Cela peut conduire à l’épuisement d’un sol en certains éléments clés et rendre toute la culture très dépendante aux apports de fertilisation organique ou chimique, ce qui peut être très coûteux.
Pour évaluer la fertilité du sol, il est conseillé de faire des analyses de sol régulières, qui permettent d’adapter la stratégie de culture et de fertilisation.
La rotation de culture est alors un moyen d’alterner des cultures dont les besoins en éléments minéraux sont différents et d’implanter des cultures qui restituent de l’azote au sol. Pour améliorer la fertilité biologique du sol, il est recommandé d’implanter des couverts en interculture qui enrichissent le sol en matière organique et agissent comme un engrais vert.
Par exemple, le colza, qui est exigeant en potasse et phosphore, peut alterner avec une céréale, moins exigeante. De même, inclure des légumineuses ou des périodes de prairies temporaires permet d’enrichir le sol en azote.
Les différents résidus de culture participent aussi à améliorer la qualité des matières organiques du sol et à son activité biologique.
Téléchargez notre dossier sur les couverts végétaux afin de bénéficier de pistes de réflexion sur la construction de vos rotations !
Améliorer la structure du sol
Sans diversification des cultures, le sol est toujours support de la même forme racinaire et subit toujours les mêmes opérations culturales (travail du sol, désherbage mécanique, récolte). Cette situation augmente considérablement le risque d’érosion sur les zones laissées à découvert par les plantes et lors des périodes où le sol est laissé nu entre la récolte et le semis.
Ainsi, composer la rotation en y incluant des cultures à enracinements différents permet de conserver la structure du sol. Le profil du sol est uniformément exploré par les systèmes racinaires ce qui limite le compactage, améliore le fonctionnement hydrique, et fixe sa structure en évitant l’érosion. Dans le cas d’une association de culture, le sol est exploré à la fois en profondeur et en surface de façon efficace.
Par exemple, les racines pivotantes des oléagineux (colza, moutarde) et des légumineuses (féverole, pois) sont complémentaires des racines fasciculées des graminées (blé, orge). Les systèmes pivotants vont plutôt ouvrir le sol et l’aérer tandis que les systèmes fasciculés vont améliorer le profil superficiel.
Réduire l’utilisation des intrants
Comme nous l’avons déjà remarqué, les rotations courtes favorisent le développement d’adventices, de maladies et de ravageurs. De plus, elles appauvrissent le sol. Ainsi, la conduite de la parcelle ne peut se faire sans intrants : fongicides, insecticides, fertilisants et herbicides.
Diversifier sa rotation permet de mettre en place un système agricole plus résistant et résilient face aux bioagresseurs, et de s’affranchir d’une partie des intrants de fertilisation en limitant les pertes de fertilité. Ainsi, on a besoin de moins de traitements, on gagne de l’argent et on évite de déstabiliser le milieu.
Les rotations d’au moins 6 espèces ont tendance à permettre une forte diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires : hors herbicides ces systèmes ont en moyenne un IFT de 1 !
Mon arme aujourd'hui, c'est la variété des espèces que je cultive. J'ai un assolement avec 14 cultures différentes. On arrive à se passer de phytos grâce à ça. La diversité de l'assolement est primordiale. C'est quand on a une même culture sur une grande surface qu'arrivent les problèmes. Les monocultures ont eu un impact sur nos sols.”
Témoignage de David, membre d'agro league installé dans le Loiret.
Les défis de la rotation des cultures
Malgré ses nombreux avantages, il faut garder en mémoire que pour construire sa rotation de culture au mieux, il est nécessaire :
- d'approfondir ses connaissances techniques et de maîtriser parfaitement le milieu et les pratiques culturales que l’on utilise,
- de connaître et de maîtriser les nouvelles cultures que l’on introduit ainsi que leurs débouchés économiques.
Approfondir ses connaissances techniques
Diversifier ses cultures demande un fort apport de connaissances techniques concernant :
- les meilleures successions,
- l’acquisition d’équipements spécifiques (par exemple les semis direct sous couvert implique l’utilisation d’un semoir à disques ou à dent),
- la conduite spécifique à chaque culture.
Le manque de connaissances techniques peut être un frein important à la diversification de la rotation. C’est souvent le cas lorsque la rotation implique la réintroduction de plantes de couvert peu répandues, comme le radis chinois, ou des cultures secondaires comme le lin ou le chanvre. Ces cultures demandent un changement d’habitude et d'approche du système agricole.
Il s’agit alors de bien se renseigner, de se former et de bénéficier des retours d’expériences d’agriculteurs aux conditions de culture similaires pour réussir l’implantation des cultures et ne pas prendre trop de risque.
Avec AgroLeague, vous pouvez bénéficier de conseils personnalisés et d’un accompagnement adapté à vos enjeux et vos parcelles !
Valoriser de nouvelles cultures
En contexte de monoculture, la commercialisation est simplifiée car il s’agit de vendre de gros volumes d’une seule culture avec souvent des contrats pluriannuels. Or sans se spécialiser dans un seul type de culture, et en limitant le nombre de “cash-crop” (cultures qui rapportent beaucoup) dans la rotation, le système doit rester rentable sur le long terme.
Une solution est de diversifier ses débouchés et de trouver des filières de valorisation pour des cultures moins répandues.
La rotation peut être composée de cultures à forte valeur ajoutée comme le lin ou la pomme de terre afin de compenser les périodes de prairies temporaires de légumineuses peu rémunératrices économiquement.
Grâce à la rotation des cultures, un agriculteur diversifie ses revenus et ses coûts de production. La charge de travail et les ressources utilisées peuvent être mieux réparties et économisées. Par ailleurs, le système ne dépendant plus du prix du marché d’une seule culture, il est moins fragile économiquement.
Comment construire sa rotation des cultures
Ainsi, vous pouvez choisir d’alterner les cultures en fonction de vos besoins individuels, de vos possibilités, des conditions environnementales de votre exploitation et de votre budget.
Une rotation type : tête, corps et fin de rotation
Quelle que soit sa durée une rotation se compose de :
- Une tête de rotation qui assure l’amélioration de la fertilité et de la structure du sol (légumineuse, trèfle, luzerne, mélange ou méteil en système céréalier, prairie temporaire en élevage)
- Un corps de rotation qui peut être exigeant en azote et rémunérateur (blé, colza, maïs, betterave)
- Une fin de rotation composée plutôt de cultures nettoyantes et peu exigeantes comme le sarrasin.
Une bonne rotation offre un équilibre entre les cultures les plus rémunératrices et les besoins des parcelles. Plusieurs types de rotations existent :
- La rotation 2-2 : elle est composée d’une culture du même type deux années de suite et d’une coupure plus ou moins longue,
- Une rotation de 3 espèces en 2 ans,
- Des rotations plus longues, souvent entre 6 et 9 ans.
En ACS, la rotation 2-2 est souvent utilisée. Par exemple, dans une rotation pois de printemps-colza-blé-maïs, l’interculture longue blé/maïs permet d’implanter et d’enfouir un couvert de légumineuses qui réduit l’apport d’intrant azoté du maïs.
Pour en savoir plus, découvrez les témoignages des agriculteurs d’Agroleague :
Quelles espèces choisir dans sa rotation ?
Luzerne
Avantages :
- Culture nettoyante
- Fort apport d’azote symbiotique
- Racines profondes structurant le sol
Précautions :
- En prairie temporaire, cette culture est peu rémunératrice.
Blé
Avantages :
- Culture rémunératrice
Précautions :
- Culture salissante et exigeante en azote.
Maïs
Avantages :
- Gestion facile des adventices
Précautions :
- Exigeante en azote et en eau.
- Privilégier les variétés résistantes aux maladies et adaptées aux conduites bas intrants.
Colza
Avantages :
- Culture oléagineuse, permet de casser le cycle des céréales
- Culture rémunératrice
Précautions :
- Implantation difficile et gourmande en intrants phytosanitaires.
Tournesol
Avantages :
- Culture d’été, peu exigeante en eau ou azote.
- Système racinaire intéressant pour la structure du sol.
- Peut s’implanter en terres superficielles.
Précautions :
- Implantation difficile et gourmande en intrants phytosanitaires.Risque d’apparition d’ambroisie.
Sorgho
Avantages :
- Adaptée à la sécheresse, aux sols superficiels. Remplace le maïs sans irrigation.
- Peu de bioagresseurs et peu exigeante en azote.
Précautions :
- La filière est peu développée et culture salissante (panics, sétaires, digitaires).
Soja
Avantages :
- Système racinaire qui permet d’éviter les tassements et qui structure le sol.
- Bonne solution pour allonger le délai de retour des autres cultures.
- Permet de contrôler les graminées vivaces qui s’implantent dans le maïs ou le colza.
Précautions :
- La culture est exigeante en eau et surtout possible dans le sud de la France actuellement.
Pois
Avantages :
- Excellent précédent pour le blé ou le colza.
Précautions :
- Implantation difficile, sensible aux oiseaux
- Récolte difficile en cas de verse ou dans des conditions pluvieuses.
- Sensible à l’aphanomyces donc à éviter en sol contaminés.
Féverole
Avantages :
- Résistante à l’aphanomyces donc peut remplacer le pois en sol contaminé.
- Facile à récolter.
- Culture rémunératrice en débouché aliment du bétail.
- Tolère les sols acides et le manque d’eau.
- Très riche en azote.
Précautions :
- Sensible au salissement en début de végétation.
- Semis délicat : besoin d’un semoir adapté aux grosses graines et d’enterrer profondément.
Lupin
Avantages :
- Tolère les sols acides et le manque d’eau.
- Très riche en azote.
Précautions :
- Sensible au salissement en début de végétation.
- Exigeante en température
- Le prix des semences est élevé.
- Peu de débouchés.
Orge
Avantages :
- Résiste bien aux maladies du pied.
Précautions :
- Faible pouvoir étouffant sur d’autres adventices.
- Mauvais précédent pour une céréale à paille.
Respecter le délai de retour des cultures
Si deux mêmes cultures reviennent trop rapidement sur une parcelle, les bioagresseurs spécialisés de cette culture prolifèrent et le risque d’infestation de la parcelle est très grand. Par exemple, dans certaines fermes en monoculture de carottes, les parcelles sont sous très grande pression de nématodes et il devient nécessaire d’utiliser de nombreux intrants phytosanitaires.
Pour éviter ce problème, il faut respecter le délai de retour optimal entre deux cultures et correctement choisir les cultures successives.